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Le monde vivant

L'idée que se fait la sociobiologie d'un être vivant c'est qu'il n'est que le «truc» inventé par la nature «pour préserver et répandre les gènes qu'il contient», un organisme individuel, un être vivant (animal, végétal, bactérie, virus ou autre) n'a pratiquement aucune valeur en tant que tel, il n'a même pas pour «fonction première» d'engendrer d'autres organismes, mais de permettre la reproduction de ses propres gènes. Comment sommes nous arrivés là ? Tout d'abord essayons de diviser le monde vivant : nous avons les procaryotes et les eucaryotes, certains insèrent même les virus ; commençons par étapes :
- Les virus : ce sont des brins d'ADN ou d'ARN c'est-à-dire un ensemble de gènes enfermés dans une capsule de protéine. Quel est le comportement du virus ? Il introduit son patrimoine génétique dans une cellule afin que cette dernière le copie des milliards de fois pour créer de nouveaux virus, en définitif le but de chaque virus c'est de répandre son patrimoine génétique à l'infini CQFD.
- Les procaryotes : il s'agit d'êtres unicellulaire n'ayant pas de noyaux où se loge le patrimoine génétique. Que fait cet être à longueur de journée ? Il se nourrit et grâce a l'énergie ainsi acquit il se divise, lors de cette division il y a multiplication par 2 de son patrimoine génétique CQFD.
- Les eucaryotes : idem, les lions, les insectes et autres amibes ont aussi pour rôle de se multiplier en tant qu'individu et comme chaque individu contient en soit son patrimoine génétique c'est comme s'il le multipliait. A première vue le fait de préserver l'espèce ou de répandre ses gènes pour un être vivant revient au même alors pourquoi la sociobiologie remplace t-elle la première assertion par la seconde ? Parce que ces 2 buts ne sont pas totalement équivalents, car pourquoi lorsqu'un lion devient le chef d'un clan et chasse son prédécesseur, il tue aussi tous les lionceaux de ce dernier dont s’occupent les lionnes ? La réponse, c'est que pour que les lionnes redeviennent sexuellement réceptives, pour que le nouveau chef puisse les féconder et avoir une descendance, il faut que leurs lionceaux soient éliminés. Si nous suivons l'ancienne thèse évolutionniste qui dit que chaque individu a pour rôle de préserver l'espèce, le nouveau chef lion ne devrait pas tuer les lionceaux car ils sont de la même espèce que lui, la raison de cet acte c'est que ces lionceaux ne sont pas ses fils, ils n'ont pas son patrimoine génétique et pour que ses gènes se répandent il faut que les lionnes redeviennent sexuellement réceptives pour qu'il les fécondes. Ceci étant démontré pourquoi l'être vivant n'a t-il aucune valeur en dehors de ces gènes ? La réponse vient des fourmis, si l'individu avait de l'importance pourquoi les fourmis se sacrifient-elles pour leur reine au lieu que chacune aille procréer pour son compte ? Pourquoi les cellules des êtres pluricellulaires se sacrifient-elles en se rendant mortelles pour les gamètes (cellules sexuelles) qui elles, restent immortelles ? La raison est bien simple, dans une fourmilière la reine et ses ouvrières sont génétiquement très proches, donc en aidant sa reine a procréer, une fourmis s'aide soi même à répandre ses gènes, donc ce n'est pas la fourmis (l'individu) qui compte, mais ses gènes. Ainsi un ordre de grandeur est franchi, la sélection ne se fait donc pas au niveau de l'individu mais au niveau du gène, c'est les gènes qui se combattent entre eux, des fois indirectement à travers les individus qui les portent et des fois directement dans une véritable guerre au sein des chromosomes (voir la section sur le gène égoïste). Si vous avez lu la section Concepts de base vous vous demandez à quoi correspond l'IPM. Lorsqu'on observe le monde animal on voit que dans plusieurs espèces (dont l'Homme) le mâle court derrière la femelle, il essaye de la séduire avec un beau plumage, un chant, de la nourriture, des cadeaux, il est même prêt a s'offrir comme repas seulement pour copuler, alors que la femelle semble réservée et même parfois réfractaire à tout accouplement. Pourquoi ? La raison est très simple, dans toutes ces espèces animales (l'Homme aussi) le mâle a tout à gagner à copuler car il peut le faire avec le nombre de femelles qu'il peut, il peut procréer à foisons par contre une femelle une fois fécondée elle restera stérile un laps de temps plus ou moins long, seulement on observe que plus le mâle s'investit dans sa progéniture et diminue ses partenaire et plus la phase de séduction devient moins importante voir partagé par les 2 géniteurs mâle et femelle (comme c'est le cas chez l'Homme), un cas extrême est observé chez l'hippocampe où l'investissement mâle est légèrement supérieur à celui de la femelle car c'est le mâle qui s'occupe des petits en les cachant dans son ventre, dans cette espèce la femelle fait aussi la cours au mâle. En conclusion l'IPM sert d'indice pour étudier les interactions entre mâles et femelles.

L'inceste chez les animaux

Chez la plupart des animaux, les cellules somatiques (non sexuelles) comportent un double lot de chromosomes (elles sont dites diploïdes) alors que les cellules sexuelles, ovules ou spermatozoïdes, ne comportent qu'un simple lot (haploïdies). Chaque chromosome comporte des dizaines de milliers de gènes, constitués d'enchaînements de centaines de milliers de nucléotides : les fameuses « briques » de l'ADN. Lors de la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde, les chromosomes des deux cellules sexuelles parentales sont rassemblés dans le nouvel individu. Ce dernier hérite donc de la moitié des gènes de chacun de ses parents ; la moitié, ou presque. Lors de la synthèse des cellules sexuelles, l'ADN parental n'est en effet pas recopié parfaitement par les enzymes. A chaque génération, il existe ainsi une infime proportion de mutations pour la plupart erreurs de nucléotide, délétions ou inversions de séquences qui influent plus ou moins sur la physiologie des individus et conditionnent l'évolution des espèces. La plupart de ces mutations sont neutres et n'affectent en rien la physiologie des individus. Une infime fraction d'entre elles leur est même favorable. Mais quelques-unes sont en revanche défavorables. Chez les animaux (drosophiles), leur taux d'apparition est de l'ordre d'une mutation délétère par génération et par génome diploïde le génome étant l'ensemble des gènes d'un individu. Dans une population quelconque, des allèles (versions de gènes) délétères apparaissent ainsi continuellement par mutation. Étant défavorables, ils sont constamment chassés par la sélection naturelle, qui trie les individus les plus aptes à survivre et à transmettre leurs gènes. Cette chasse n'est cependant pas une extermination. L'intensité de la sélection dépend à la fois de l'intensité de l'effet délétère de l'allèle concerné, et de son coefficient de dominance (La dominance d'un allèle étant son degré d'expression chez les individus hétérozygotes, porteurs de deux allèles différents). Ainsi, un allèle létal et dominant n'a aucune chance de se propager dans une population : il cause la mort de tout individu qui le porte, que celui ci soit hétérozygote ou homozygote (porteur de deux copies identiques de ce gène). Un allèle délétère récessif, en revanche, peut se transmettre « tranquillement » à l'abri d'allèles favorables dominants (c'est-à-dire à l'état hétérozygote). Seule sa rencontre avec un allèle identique le contraint à se révéler aux « yeux » de la sélection naturelle. De fait, tout individu possède un certain nombre d'allèles délétères. Plutôt récessifs, et réduisant leurs chances de survie et/ou leur succès de reproduction, ils confèrent à la population un certain « fardeau génétique » de mutations. Selon le célèbre généticien J. Haldane, ce fardeau ne dépend que du taux d'apparition des mutations. Quelles sont les conséquences génétiques de « l'inceste » chez les animaux? Que se passe-t-il quand deux individus apparentés s'accouplent? Puisqu'ils possèdent une proportion élevée d'allèles identiques hérités de leur(s) ancêtre(s) commun(s), leur progéniture est homozygote pour une proportion élevée de ses gènes (Cette proportion dépend du coefficient de consanguinité entre ses parents). Parmi ces gènes, figurent nombre d'allèles délétères récessifs ne s'exprimant qu'à l'état homozygote, et réduisant les chances de survie et de reproduction de cette progéniture. La fécondité des couples endogames (individus apparentés) est donc inférieure à celle des exogames. Cet écart, nommé « dépression de consanguinité », se mesure par la réduction de survie et de fécondité de leur progéniture. Sa valeur dépend bien sûr du coefficient de consanguinité entre les parents puisqu'il détermine le taux d'homozygotie des rejetons. La dépression de consanguinité doit ainsi être beaucoup plus élevée pour les croisements entre frère et soeur (coefficient de consanguinité F =1/4) que pour ceux entre cousins germains (F = 1/16). En mesurant sa valeur pour différents types de croisements consanguins, dans une population, on peut calculer la « charge » moyenne en allèles délétères des individus. Ces allèles étant plus ou moins handicapants, les généticiens expriment cette charge en nombre d'« équivalents-létaux » (e.l.) ils calculent ainsi le nombre de mutations létales qui, seules, devraient causer la même dépression de consanguinité. Chez les vertébrés, la dépression de consanguinité liée à « l'inceste » varie selon l'espèce. On l'a calculée chez une quarantaine de populations de mammifères vivant en captivité (zoo, élevage), et appartenant à 38 espèces différentes. Sa valeur varie entre 20 et 50 %, avec une moyenne de 33 correspondant à une charge en allèles délétères de 3 équivalents-létaux. Les valeurs extrêmes, à confirmer, concernent au Tigre de Sumatra (d = 3 %), qui ne posséderait que 0,02 e.l. et jouirait donc d'une santé de fer, et au Maki brun (d = 90 %), qui porterait en moyenne l'équivalent de 18 mutations létales! Ces résultats doivent cependant être interprétés avec prudence: selon Katherine Rails et ses collaborateurs du National Zoological Park de Washington, le protocole de mesure est tel que la plupart des valeurs calculées sont sous-estimées. La dépression de consanguinité moyenne dans les populations naturelles de ces espèces est probablement plus proche de 50 % que de 30 %. Qu'en est-il pour l'Homme? D'après les mesures effectuées successivement par trois équipes de chercheurs, les valeurs de dépression de consanguinité sont comprises entre 20 et 50 %; la charge moyenne en allèles délétères correspondante va de 2 à 5 e.l. Chacun de nous porte donc en moyenne 2 à 5 mutations létales! Si nous ne mourons pas tous avant de nous reproduire, c'est qu'à l'état hétérozygote, la plupart de nos allèles délétères sont récessifs et camouflés. Au vu de ces résultats, on peut penser que face à une telle dépression de consanguinité, l'inceste doit être défavorisé par la sélection naturelle. La dépression de consanguinité qui y est liée expliquerait donc l'évolution de comportements anti-incestueux chez l'Homme et les autres mammifères sociaux. Pourtant, il n'en est rien. Comme l'a montré William Hamilton en 1964, la sélection naturelle favorise en effet les individus qui propagent au mieux leurs gènes dans les nouvelles générations, et non ceux qui engendrent le plus de rejetons. S'il en allait autrement, la stérilité et l'altruisme n'auraient jamais évolué chez les fourmis, par exemple. Or, les croisements entre individus consanguins augmentent la proportion des gènes de ces individus chez leurs descendants. Pour mesurer l'impact de l'inceste sur la valeur sélective moyenne d'un individu, il faut donc prendre en compte deux facteurs : la dépression de consanguinité résultante, et l'accroissement de la proportion des gènes de cet individu chez ses descendants. Ce calcul conduit à un résultat légèrement différent entre mâles et femelles. Pour aborder l'alternative des femelles, considérons une espèce chez laquelle l'identité du partenaire sexuel (proche parent ou non apparenté) n'a aucune conséquence sur l'intensité des soins prodigués aux jeunes. Lorsqu'une femelle s'accouple avec un mâle non apparenté, elle engendre ou élève un nombre N de rejetons. A chacun d'eux, elle transmet la moitié de ses gènes. Elle multiplie donc son génome par N/2. En revanche, lorsqu'elle s'accouple avec son père ou son frère, elle engendre ou élève N x (1-d) petits. Mais elle leur transmet 75 % de ses gènes: 50 % issus directement d'elle-même, et 25 % transmis par son père (ou son frère), qui partage avec elle la moitié de ses gènes. Une femelle « incestueuse » multiplie donc son génome par (1-d) x N x 3/4. Pour savoir si l'inceste est ou non adaptatif pour les femelles, comparons les valeurs de transmission des gènes maternels dans les deux situations. Si l'identité du mâle n'a aucune conséquence sur la quantité des soins prodigués aux jeunes, la sélection naturelle doit favoriser le choix d'un mâle exogame lorsque la dépression de consanguinité due à l'inceste est supérieure à 1/3. Si elle est inférieure, elle doit, a contrario, favoriser le choix d'un proche parent (frère ou père). Peut-on appliquer ce résultat aux vertébrés sociaux? En reprenant les mesures réalisées chez les mammifères, on constate que cette valeur seuil de 33 % correspond exactement à la valeur moyenne tenue pour une sous-estimation de la dépression de consanguinité chez ces animaux. « L'inceste » est donc probablement désavantageux pour les femelles chez la majorité des espèces étudiées. Pour affiner les conclusions, il faudrait mesurer plus précisément la dépression de consanguinité dans chacune des populations étudiées (ou d'autres), et enquêter sur la pratique de « l'inceste » dans les populations sauvages de ces espèces. Chez les mâles, la situation est quelque peu différente. Lors d'un choix « officiel » entre une femelle exogame et une proche parente (mère ou soeur), l'alternative est identique à celle des femelles: l'inceste sera également désavantageux si d > 1 /3. Ainsi, chez les espèces monogames ou faiblement polygynes, le choix des partenaires sexuelles « régulières » (apparentées ou exogames) doit donc s'accorder avec celui des femelles. Cependant, les mâles peuvent accroître leur descendance en s'accouplant avec le plus de femelles possible. S'il s'agit d'une liaison « en plus », et non d'un choix entre partenaire exogame et endogame, l'alternative d'un mâle serait de laisser sa fille (ou sa soeur) s'accoupler avec un mâle non apparenté, auquel cas il transmettra, à travers elle, N/4 fois son génome; s'accoupler avec elle et transmettre ainsi (1-d) x N' x 3/4 fois son génome. Si l'investissement paternel des mâles chez cette espèce est faible, une femelle incestueuse peut élever autant de jeunes qu'une femelle exogame: N'=N. Dans ce cas précis, l'inceste est adaptatif pour les mâles si la dépression de consanguinité est inférieure à 2/3. Cette valeur correspond à une charge moyenne en allèles délétères de 8,2 e.l., rarement atteinte chez les mammifères. Chez la plupart d'entre eux, l'inceste « extraconjugal » n'est donc pas désavantageux pour les mâles, alors qu'il l'est généralement pour les femelles. De là à prédire que chez de nombreuses espèces sociales vivant en harems, les pères doivent tenter de retenir leurs filles pour s'accoupler avec elles, alors que celles-ci doivent l'éviter, il n'y a qu'un pas...

L'altruisme animal

L'altruisme est une notion qui a maintenant acquis un statut particulier dans la science de l'éthologie: elle désigne un acte d'un animal qui a pour effet d'aider l'autre en quelque manière, notamment en favorisant sa survie. L'idée en est venue d'abord à Darwin, à propos des neutres chez les fourmis et les abeilles: ces neutres, étant stériles, ne peuvent donner prise à l'évolution. Comment donc la sélection naturelle les a-t-elle laissés passer? Darwin répond à cela que la sélection s'applique au stock de gènes de toute la famille et non plus d'un seul individu: elle pourra donc laisser passer des neutres stériles pourvu qu'ils aient un comportement altruiste. La notion a pris beaucoup d'ampleur dans les nouvelles théories sociobiologiques. L'altruisme est une notion familière aux sociologues et aux moralistes, mais elle a pris en éthologie une importance inattendue après l'expansion foudroyante des idées de Wilson sur la sociobiologie. Elle se rapporte dans l'un et dans l'autre cas au «dévouement vis-à-vis de l'autre». Et plus exactement, suivant la définition de Wilson: «Quand un animal augmente l'adaptation (fitness) d'un autre par rapport à sa propre adaptation, on dit qu'il a accompli un acte d'altruisme.». Dans la phrase de Wilson, il faut entendre «adaptation» dans le sens de «stock de gènes»: c'est-à-dire quand un animal tend à augmenter le stock de gènes d'un autre par rapport au sien, il est dit faire un acte altruiste. Pour quelle raison la notion d'altruisme est-elle si importante pour l'ensemble du système? Cela remonte à Darwin lui-même, auquel les insectes sociaux et leur évolution donnaient positivement la migraine. C'était pour lui «une difficulté spéciale, qui m'apparut d'abord insurmontable, et en fait fatale à toute ma théorie». Comment, se demandait-il, la caste des ouvrières des insectes sociaux pourrait-elle évoluer puisqu'elle est stérile et ne laisse pas de descendants? Ce paradoxe s'était déjà montré fatal pour Lamarck et sa théorie de l'hérédité des caractères acquis: comment des caractères acquis peuvent-ils passer à la génération suivante lorsque celle-ci manque? Pour s'en tirer, Darwin imagina que la sélection naturelle opère au niveau de la famille plutôt qu'à celui de l'organisme isolé, et nous sommes à ce moment conduits forcément à la notion d'altruisme. C'est l'ensemble des gènes de la famille qui compte, plutôt que ceux dont tel ou tel individu est porteur (et dont la parenté avec ses frères et soeurs est évidente). Alors l'évolution va pouvoir sélectionner des individus stériles pourvu qu'ils soient altruistes. Trivers a enrichit la notion en introduisant l'altruisme réciproque, sans oublier la somme non zéro et le Tit For Tat (voir la section sur l'altruisme chez l'homme).

Le cocufiage

Dennis Hasselquist et ses collègues de l'université de Lund, en Suède, viennent de montrer que les aventures extraconjugales de la femelle de la rousserolle turdoïde, garantissent une meilleur survie à ses jeunes. Cette survie, ne peut être assurée que par un « bon mâle », ce qui est synonyme de vieux puisqu'il a survécu à tous les dangers. Or les vieux mâles sont rares. La meilleur solution pour la femelle est de s'installer officiellement avec un jeune mâle et de lui faire élever la progéniture qu'elle a eu d'un vieux.