Pour la sociobiologie, qui a fait ses classes en entomologie, il y a un continuum entre lesdites "sociétés animales" et les sociétés humaines : «coopéron cellulaire», «coopéron multicellulaire» et «coopéron social», puis supra - social des super - colonies d'insectes ou coopéron social et «coopéron culturel», puis supra - social des sociétés humaines [Jaisson, 1993]. Une société humaine est ainsi un super - organisme qui est soumis aux lois de la biologie, plus particulièrement de la génétique. Tout commence et finit donc avec le gène : le gène est égoïste, il cherche à se reproduire, il pratique l'altruisme par égoïsme; il favorise l'individu et non l'espèce. C'est à la lumière de la biologie et de la génétique que nous allons expliquer certains comportements humains.
La sociobiologie affirme que tous les comportements humains ont pour but de répandre les gènes de l'individu (voir le gène égoïste ). A ce jour, nous connaissons 2 manières à cela, une manière directe: le sexe et une autre indirecte: l'altruisme, et c'est par ces 2 comportements que nous allons commencer.
Le
comportement sexuel
Le comportement sexuel humain est le fruit d'une longue évolution, il a pour but (principal et non unique) de procréer c'est-à-dire de répandre les gènes des 2 partenaires ; de plus non seulement les comportements ont été favorisés par l'évolution mais c'est aussi le cas de caractéristiques anatomiques. Selon le zoologiste Desmond Morris, « les lèvres, les lobes d'oreilles, les mamelons, les seins et les organes génitaux sont richement pourvus en terminaisons nerveuses et sont devenus hautement sensibilisés à la stimulation érotique d'ordre tactile » Le singe nu, p.75 . Le corps humain a donc évolué de façon à favoriser l'accouplement et, partant, la survie de l'espèce.
Morris prétend même que les seins et les lèvres seraient des copies des fesses et des lèvres vaginales. Ce qui fait que l'homme serait, selon cette audacieuse théorie, « doublement » attiré par la femme ! L'homme pourrait donc avoir contribué à la sélection qui s'opéra au niveau de l'anatomie féminine ! Les seins des mammifères non humains ne sont pas aussi proéminents que chez la femme, ne grossissant qu'en période d'allaitement. Il n'est pas impossible, conséquence aussi du début de la bipédie et de l'accouplement face à face, que les seins aient commencé à se développer dans le but d'attirer le mâle. Ceci montre la grande importance qu'a le sexe dans notre espèce. De plus, nos plus proche parents, les bonobos ont un comportement sexuel inhabituel, le sexe a pour eux une grande importance sociale, lors de tensions entre 2 individus ceux-ci se calment en se gratifiant de frottements génitaux voir même en "faisant l'amour" entre 2 individus de sexe différend. Ce qui montre que la différenciation entre le sexe et l'accouplement n'est pas l'apanage de l'espèce humaine.
Il est universellement connu que l'homme est (en général) plus libidineux que la femme, et ceci dans n'importe quelle culture. C'est l'universalité de cette différence de comportement qui nous pousse à chercher une explication évolutionniste (voir FAQ 1 ). Chaque individu cherche à valoriser au maximum son patrimoine génétique, les hommes peuvent se reproduire des centaines de fois par an, en revanche les femmes ne peuvent procréer qu'une fois dans l'année et cela pendant une trentaine d'année (de la puberté à la ménopause). Ainsi s'explique l'asymétrie qui existe entre hommes et femmes. Alors qu'elle aurait de bonnes raisons (darwiniennes) de s'unir à plus d'un seul homme (imaginons que le premier soit stérile), il arrive un moment où, pour la femme, continuer de faire l'amour ne s'impose plus. Pour un homme, à moins qu'il ne soit au bord de l'épuisement, cela n'arrive jamais. Chaque nouvelle partenaire offre une sérieuse chance de placer « quelques gènes supplémentaires » dans la génération suivante. Comme l'ont bien résumé les psychologues évolutionnistes Martin Daly et Margo Wilson : « Un homme peut toujours mieux faire. »
Il existe pourtant un domaine où la femme peut mieux faire, c'est celui de la qualité. Donner naissance à un enfant suppose un énorme investissement en temps, sans parler de l'énergie que cela demande. Or, la femme ne peut enfanter qu'un nombre de fois limité. C'est pourquoi, de son point de vue (génétique), chaque enfant représente une machine à fabriquer des gènes d'une incommensurable valeur. L'aptitude de l'enfant à survivre, puis à produire, sa propre petite machine génétique, est d'une immense portée. Il devient donc « darwiniennement » capital pour une femme de savoir choisir l'homme qui l'aidera à construire chaque machine génétique. Elle devra jauger soigneusement le prétendant avant de lui accorder sa confiance et se demander d'abord ce qu'il apportera dans la corbeille. Ici il convient d'insister sur deux points. D'abord, la femme n'a pas eu véritablement à se poser de questions, celles-ci ne lui sont jamais venues à l'esprit. En effet, l'essentiel de l'histoire de notre espèce s'est produit avant que nos ancêtres aient eu assez d'intelligence pour s'interroger sur quoi que ce soit. Même dans un passé plus proche, postérieur à l'apparition du langage et de la conscience de soi, le comportement n'avait aucune raison de tomber sous le contrôle de la conscience. En effet, il peut ne pas être dans notre intérêt génétique d'agir consciemment. (Certains psychologues évolutionnistes diraient que, même si Freud recherchait quelque chose, il ne savait pas exactement quoi.) En ce qui concerne l'attirance sexuelle, en tout cas, l'expérience quotidienne montre bien que la sélection naturelle exerce largement son influence par le truchement de ces clefs émotionnelles qui connectent ou déconnectent nos sentiments, comme la première attirance, la passion dévorante ou le coup de foudre. Une femme n'examine pas un homme en se disant : « Ce type-là va probablement revaloriser mon patrimoine génétique. » Elle l'observe et se sent simplement attirée par lui - ou pas. De telles « observations » sont faites - inconsciemment, métaphoriquement sous la pression de la sélection naturelle, car seuls les gènes capables de contribuer à l'amélioration du patrimoine génétique ancestral ont pu éclore, et non les autres. Deuxièmement, il faut noter que la sélection naturelle n'a pas été très "prévoyante", elle ne pouvait prévoir que notre environnement se modifierait aussi radicalement, qu'un jour les humains utiliseraient les contraceptifs, ou que des films X viendraient assouvir, par le regard, la quête masculine du plaisir. Je pense que la majorité de nos névroses et de nos dérèglements comportementaux viendraient de l'écart énorme qui existe entre notre environnement actuel et l'environnement pour lequel notre cerveau est adapté, malgré sa grande plasticité.
Il ne faut pas oublier non plus que l'être humain a un IPM élevé. Dans une espèce où l'investissement parental mâle est faible, la dynamique de base de la parade amoureuse est, assez simple : le mâle a vraiment envie de copuler et la femelle pas vraiment. Il est possible qu'elle veuille (inconsciemment) avoir le temps d'évaluer la qualité des gènes du mâle, soit en sondant ses intentions, soit en l'amenant à se battre contre d'autres mâles. Elle peut aussi chercher à savoir s'il n'est pas porteur d'une maladie. Ou essayer de lui soutirer un cadeau pré copulatoire, en tirant avantage du fait que ses oeufs sont très recherchés. Ce « don nuptial » - qui, techniquement, peut constituer un petit investissement parental mâle, dans la mesure où il va nourrir et la femelle et ses oeufs - se rencontre chez une grande variété d'espèces, depuis les primates jusqu'à certains diptères. (Il est, chez les diptères, des femelles qui tiennent à se voir offrir un insecte mort qu'elles pourront dévorer pendant le coït. Si elles terminent leur repas avant que le mâle ait fini d'œuvrer, elles sont capables de s'envoler à la recherche d'un autre met et d'abandonner leur partenaire... Si elles sont moins rapides, le mâle récupère les restes du festin pour un autre rendez-vous galant). Intégrons maintenant l'IPM élevé dans l'équation : c'est-à-dire un investissement du mâle qui ne se limite pas au coït, mais qui dure bien au-delà de la naissance du rejeton. Et voilà que la femelle s'inquiète soudain, non seulement de l'investissement génétique du mâle, du repas gratuit, mais aussi de ce que ce mâle va bien pouvoir apporter au petit après la naissance. En 1989, le psychologue évolutionniste David Buss publia une étude complètement novatrice sur les préférences sexuelles dans trente-sept cultures du monde. Il découvrit que, dans chacune de ces cultures, les femelles accordaient plus d'importance que les mâles aux perspectives financières qu'apportait une éventuelle union. Cela ne signifie pas que les femmes préfèrent délibérément les hommes riches. La plupart des sociétés primitives ne connaissaient guère l'accumulation des richesses et la propriété privée. Que cela soit, ou non, le reflet de l'environnement ancestral, est très controversé ayant été, au cours des derniers millénaires, délogées de leurs riches territoires et poussées vers des terres moins fertiles, ces sociétés ne sont pas forcément très représentatives de celles de nos ancêtres. Mais, si les hommes de l'environnement ancestral avaient tous à peu près la même quantité de biens (c'est-à-dire peu), les femmes pouvaient être naturellement attirées, non tant par la richesse d'un homme que par sa position sociale; dans les sociétés économiquement fondées sur la chasse et sur la cueillette, le statut social se traduit souvent par le pouvoir, par une influence dominante sur la répartition des produits de la chasse, par exemple. Dans les sociétés modernes, richesses, statut social et pouvoir vont souvent de pair et semblent former un lot particulièrement intéressant aux yeux de la population féminine moyenne. De plus une femelle appartenant a une espèce à IPM élevé risque de rechercher des signes de générosité, de fidélité et, surtout, la garantie d'un engagement durable. Tout le monde sait que les fleurs, et autres gages d'affection du même ordre, sont plus prisées par les femmes que par les hommes.
Mais pourquoi les femmes éprouveraient-elles tant le besoin de se méfier des hommes? Après tout, les mâles des espèces à IPM élevé n'ont-ils pas été conçus pour se ranger, acheter une maison et tondre la pelouse tous les dimanches? Même si l'investissement à long terme est son but principal, séduction et abandon sont porteurs de sens génétique, dans la mesure où ce type de comportement ne pénalise pas trop, ni en temps, ni en ressources, la progéniture dans laquelle le mâle investit. Les jeunes bâtards peuvent prospérer même sans investissement paternel; ils peuvent, dans ce cas, attirer l'investissement de quelque simplet qui aura l'impression qu'ils sont les siens. Ainsi, en théorie, les mâles des espèces à IPM élevé devraient se montrer toujours ouverts à toute opportunité sexuelle.
Le résultat de ces objectifs conflictuels - aversion de la femelle pour l'abus de pouvoir et facilité du mâle à abuser de son pouvoir -, c'est une course évolutionniste à l'armement. La sélection naturelle peut favoriser les mâles habiles à tromper les femelles sur leur engagement futur et, dans le même temps, soutenir les femelles aptes à déceler les tromperies; et plus un camp se perfectionne, plus l'autre camp s'améliore. C'est le cercle vicieux de la trahison et de la méfiance - même si, chez certaines espèces suffisamment avisées, cela prend la forme de doux baisers, de murmures affectueux et de tentatives de séduction subtilement déguisées.
Certes, une étude a démontré que les mâles sont sensiblement plus portés que les femelles à se décrire comme plus gentils, plus sincères et plus fiables qu'ils ne le sont en réalité. Mais ce style de publicité mensongère ne rend compte que d'un aspect de l'affaire, l'autre étant plus difficile à cerner. Comme le note Travers, non pas en 1972, mais quatre ans plus tard: l'une des meilleures façons de tromper quelqu'un, c'est de croire vraiment en son propre mensonge. Ce qui veut dire dans ce contexte : être aveuglé par l'amour, se sentir terriblement amoureux d'une femme qui, après quelques mois de rapports sexuels, risque de devenir beaucoup moins attirante. Telle est la grande sortie de secours morale des hommes, qui pratiquent cette forme de séduction élaborée et qui, pris de panique un beau matin, finissent par décamper. « Je l'aimais à l'époque », se souviendront-ils, émus, si on leur pose la question avec insistance (l'animal moral).
l'altruisme
L'altruisme c'est la disposition qu'a un individu à s'intéresser et à aider autrui. Ce sentiment comme l'affirme la sociobiologie a un fondement biologique et son but est de rependre les gènes de son hôte. L'être humain est un animal moyennement altruiste, il n'est pas aussi altruiste que l'ouvrière fourmis ou abeille mais il l'est plus que le requin. Comme l'affirme Wilson, l'altruisme n'est pas un geste gratuit, c'est un geste qui augmente notre stock génétique, comment cela ? En aidant un individu en danger ou en besoin, on l'aide à survivre et ainsi à copuler, c'est ainsi que ses gènes qui sont en grande partie les nôtres peuvent se rependre. Mais qui nous dit que l'individu que nous aidons est un proche génétiquement ? Il faut se rappeler ici le concept d' EAE, c'est-à-dire que notre comportement et notre cerveau ont été forgés pour vivre dans un environnement tribal. Dans notre EAE on vivait au sein de groupes consanguins, en tribu donc en aidant notre voisin qui était en ce temps là un proche parent on aidait ses propres gènes, et plus l'individu nous est proche (donc génétiquement proche dans l'EAE) plus nous sommes disposés à l'aider.
Une autre source de l'altruisme, est la théorie de l'altruisme réciproque qui introduit les concepts de Tit For Tat et de la somme non zéro.
La somme non zéro : Imaginez-vous dans l'EAE, vous avez attrapé une gazelle, et vous en donnez un peu à un congénère (familier) en manque de nourriture. Supposons que vous lui donnez 200 grammes de viande, le gain que fait votre congénère est plus important que la perte que vous subissez, car il mourrait de faim, et reconnaissant de votre bonté il pourrait vous aider à son tour, de plus comme c'est un parent, vous avez ainsi contribué à sa prolifération génétique ainsi qu'à la vôtre. C'est cette asymétrie qui caractérise la somme non zéro. Le gain de l'un ne s'annule pas par les pertes de l'autre. La répartition du travail au sein de la société humaine est source de somme non zéro, chaque individu au sein d'une tribu est expert dans un domaine particulier (chasse, cueillette, fabrication d'arme...), un objet excédentaire pour l'un est ainsi un bien précieux pour l'autre.
Tit For Tat : La somme non zéro ne suffit pas à expliquer l'évolution de l'altruisme réciproque, car l'exploitation d'un individu par l'autre est ainsi possible, c'est à dire qu'il peut exister des individus acceptant les actes généreux de leurs proches (génétiquement) sans les rendre. Vers la fin des années 70 Robert Axelrod imagina un univers informatique peuplé d'animats entretenant des rapports réguliers entre eux. Chaque individu se souvient si les autres ont coopéré lors des rencontres précédentes et adapte son comportement à venir en conséquence, il lance ce programme informatique et après chaque laps de temps, calcule les scores de chaque individu et en sélectionne les meilleurs qu'il réintroduit sans l'itération suivante de son programme. C'est ainsi qu'il couronna le programme d'Anatol Rapoport baptisé Tit For Tat (donnant - donnant). Celui-ci a un comportement très simple, il coopère dès la première rencontre avec n'importe quel autre programme, dans une seconde rencontre il répète ce que l'autre programme a fait lors de leur première rencontre. Ainsi Tit For Tat n'est jamais dupé deux fois de suite par un programme.
La beauté
Pourquoi trouvons-nous belles certaines personnes et d'autres pas? Est-ce une simple affaire de mode, de canons culturels, ou bien quelque chose de plus profondément enraciné dans la nature humaine explique-t-elle cette séduction? Existerait-il des universaux esthétiques, communs à toutes les cultures, peut-être à toutes les espèces.
Chez les animaux, ces critères d'attirance, sinon de beauté sont de mieux en mieux connus. Il ne faudrait pas s'imaginer qu'à la saison des amours dame pingouin se laisse approcher par le premier mâle venu. Non, elle le choisit avec soin, par exemple assez gras pour qu'il supporte de rester assis sur les oeufs fraîchement éclos plusieurs semaines d'affilées sans mourir de faim. Les femelles de plusieurs espèces de volatiles donnent leur préférence aux mâles qui affichent les plus beaux ramages, les crêtes ou les roues les plus somptueuses, signes de leur bonne santé. La queue du paon en est certainement la plus saisissante illustration. Chez la mouche scorpion du Japon, c'est la symétrie qui emporte les suffrages. Ce n'est pas un hasard. Plus ses ailes sont symétriques, plus l'individu est doué pour s'approprier de la nourriture et la défendre contre ses ennemis.
La culture nous permet-elle d'échapper complètement à ces lois de la nature ? Ou bien, tout aussi inconscients que les animaux, sommes-nous guidés dans nos préférences par un instinct insoupçonné ? La question peut paraître accessoire; elle est cependant d'importance pour les anthropologues.
A priori, on pourrait penser que seule la culture, en valorisant certains standards de beauté, détermine ce qui est attrayant. Les critères sont-ils partout les mêmes ? Apparemment non, comme le laisse penser la diversité des modes vestimentaires, des maquillages, des scarifications et des autres marques inscrites sur le corps selon les sociétés. Plusieurs expériences, conduites par divers laboratoires, livrent pourtant des résultats troublants. Lorsqu'on demande à des Anglaises, à des Chinoises et à des Indiennes de classer leur attirance pour des portraits de Méditerranéens, elles élisent toutes les mêmes hommes. Au point qu'à la seule lecture des notations il est impossible de dire qu'il y a eu trois jurys! Est ce l'effet de la diffusion par les magazines, la télévision et le cinéma de "modèle" esthétiques, le mâle viril, brun, au regard ténébreux, étant le sex-symbol du moment? Pour lever les derniers doutes sur le caractère instinctif des critères de beauté, il faudrait poser la question à des nouveau-nés vierges de toute influence culturelle et n'ayant encore eu l'occasion d'observer qu'un nombre très limité de visages. C'est ce qu'a fait Curtis Samuels dans son laboratoire de développement humain, à Berkeley (Californie). Il présente une série de photos de visages à des bébés de 3 mois. Les uns sont choisis pour leur "beauté", les autres pour leur "absence de beauté" aux yeux d'un groupe d'adultes.
Un dispositif expérimental astucieux lui permet de montrer que les bébés sont nettement plus attirés par les visages que les adultes jugent beaux : ils les regardent plus longtemps. Judith Langlois, de l'université du Texas, à Austin, procède de la même façon avec des visages de toute couleur et même avec des photos de bébés. Le choix des nouveau-nés reste toujours identique à celui des adultes.
Où cette unité de jugement prend-elle sa source? Quel rôle joue-t-elle dans notre espèce ? Si la symétrie est importante chez les animaux, au moins chez les mouches japonaises, peut-être en va-t-il de même chez les humains. Plusieurs équipes ont testé cette hypothèse et ont obtenu des résultats contradictoires. L'américain Michael Cunningham par exemple, arrive à la conclusion que la symétrie joue un rôle déterminant, les visages, jugés les plus beaux étant plus symétriques que les autres.
Du coup, d'autres chercheurs se sont lancés dans une enquête auprès d'individus dont ils ont mesuré la symétrie corporelle et faciale. Ils leur ont ensuite posé une foule de questions indiscrètes sur leur tempérament, leur comportement sexuel et leur vie sociale. Ils ont découvert que les plus "symétriques", en particulier les hommes, ont des relations sexuelles avec un plus grand nombre de partenaire et deux ou trois ans plus tôt, que les moins symétriques. Mieux, une enquête auprès de quelque 90 couples a montré que les femmes qui ont les partenaires les plus "symétriques" parviennent deux fois plus souvent à l'orgasme au cours des rapports sexuels avec eux que celles dont les partenaires sont les moins symétriques. Les femmes ne choisissent pourtant pas leur partenaire avec un mètre de couturier! Si l'on en croit l'écologiste Randy Thornhill (université du Nouveau-Mexique), qui est à l'origine de ces travaux, les hommes les plus symétriques seraient aussi les plus athlétiques, dotés d'une personnalité plus dominante. La symétrie faciale serait aussi liée à une meilleure santé. De là à conclure que la symétrie fait la beauté et crée l'attirance, il n'y a qu'un pas. D'autres chercheurs se refusent à le franchir. C'est le cas de Judith Langlois. Pour vérifier cette loi de la symétrie, elle convie dans son laboratoire plusieurs dizaines de personnes et leur demande de juger l'attractivité (attractiveness, en anglais) de photos de visages non retouchés et de ces mêmes visages rendus parfaitement symétriques par un artifice graphique. Les jurés ignorent la manipulation.
Résultat : à quelques exceptions près, les visages transformés sont perçus comme plus symétriques mais non plus attractifs que les visages non manipulés. Judith Langlois ne nie pas que la symétrie intervienne, en particulier alors qu'une forte asymétrie altère la normalité d'un visage, mais elle ne suffit pas pour rendre compte de l'attractivité d'un visage. Quoi d'autre alors?
En 1878, Francis Galton, cousin de Charles Darwin et père de l'eugénisme anglo-saxon, veut déterminer les traits caractéristiques des visages des criminels. Il espère y parvenir en superposant des photographies de repris de justice, afin de renforcer l'expression de leur turpitude. A sa grande déception, l'image composite donne une figure nettement plus agréable et attrayante que chacun des portraits qui la constituent. Cela ne surprend pas l'anthropologue Donald Symons, qui estime, sur des bases théoriques, que la beauté doit être proche de la "moyenne" des visages. Selon lui, la sélection naturelle oeuvre contre les extrêmes et favorise les individus au physique moyen. Il serait donc bénéfique pour tous d'être attirés par des partenaires proche de cette moyenne. La pression évolutive nous pousserait donc à les préférer aux autres.
Reprenant la méthode de Galton, Judith Langlois utilise des photos numérisées pour vérifier les conceptions de Symons. Les images qu'elle soumet à l'appréciation d'une soixantaine de personnes, hommes et femmes, sont des "vrais" visages et des portraits obtenus en faisant la moyenne de plusieurs de ces visages. Les résultats sont sans ambiguïté : les visages "moyennés" sont toujours jugés plus beaux que ceux à partir desquels ils ont été façonnés.
Depuis cette expérience, plusieurs confrères de Judith Langlois ont voulu approfondir la question. David Perrett, de l'université de Saint Andrew (Grande-Bretagne) est parvenu à une conclusion bien différente. Au lieu de comparer de vrais portraits et des portraits composites, il a comparé les portraits composites de l'ensemble d'un échantillon des portraits composés de ceux qui, dans l'échantillon, étaient considérés comme les plus attrayants. Il a ainsi trouvé que les composites des portraits les plus attractifs sont eux mêmes plus attractifs que les composites moyens. Poussant plus loin la démarche, il a appliqué aux composites des plus attractifs une exagération de 50 % des différences avec le visage moyen. Le visage ainsi obtenu est jugé encore plus attrayant que les autres. Il ne manque plus qu'un éclairage théorique sur ces observations pour leur donner toute leur saveur. Victor Johnston, dont les travaux vont dans le même sens que ceux de David Perrett, propose une interprétation darwinienne. Les lois de l'évolution veulent que toute caractéristique (dont la configuration du visage) qui contribue à la pérennité des gènes d'un individu devienne, sous l'influence de la sélection naturelle, de plus en plus fréquente au cours des générations. Pour lui, la sélection naturelle intervient, mais une autre composante, de l'évolution rendrait mieux compte de ce qu'il observe : la sélection sexuelle. Nous retrouvons ici la fameuse queue du paon.
Lorsqu'un individu arbore une caractéristique qui attire l'autre sexe, il améliore ses chances de se reproduire, donc de diffuser ce caractère dans la population même si ce caractère nuit à sa propre survie. Dans le cas du paon, sa queue est certainement un handicap pour fuir les prédateurs, mais, dans la mesure où elle accroît la pérennité de son patrimoine génétique, l'inconvénient est largement compensé. Logiquement, cette préférence des femelles pour les grandes roues mâles devrait conduire l'évolution du paon vers des roues encore plus grandes, à la limite de la viabilité. La taille de la roue du paon est donc un compromis entre la sélection naturelle et la sélection sexuelle. La raison de son attractivité serait que la roue soit une preuve de la bonne santé du paon. Le même principe serait à l'œuvre chez les humains. En effet, les femmes préfèrent les hommes au menton et à la mâchoire inférieure développés et aux sourcils fournis, signes d'un taux élevé d'androgènes. Inversement les hommes apprécient les femmes à la mâchoire inférieure fine, preuve d'un faible taux d'androgènes donc d'une meilleure fertilité. Le même type de raisonnement s'applique à la silhouette, comme l'a montré Devindra Singh, de l'université du Texas (voir ci dessous).
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L'inceste
L'interdit de l'inceste, c'est-à-dire la prohibition des relations sexuelles entre certaines personnes en fonction de leur relation de parenté, est apparemment universel chez l'Homme : il existe dans toutes les sociétés étudiées par les ethnologues. D'où quelques questions : l'origine de cet interdit est-elle purement sociale et culturelle? Dans ce cas, pourquoi ces cultures différentes ont-elles imposé une telle contrainte arbitraire sur le comportement sexuel des hommes? Ce « tabou » universel possède-t-il des racines psychologiques ou biologiques plus profondes?
Pour la plupart des spécialistes en sciences humaines, le « tabou de l'inceste » n'a aucune base biologique. Il s'agit seulement d'une règle sociale parmi d'autres, au sein d'un système plus ou moins complexe permettant de gérer les échanges entre familles et groupes sociaux, à l'intérieur d'une même société. Pour Claude Lévi-Strauss, l'interdit de l'inceste constitue le corollaire négatif d'une règle positive; cette dernière consiste en l'obligation, pour un homme, de céder fille et soeur à autrui, et d'obtenir ainsi des alliés précieux pour la chasse, la pêche ou les travaux agricoles.
Pour nier toute base biologique à cet interdit, ethnologues et anthropologues s'appuient sur la grande variabilité des relations de parenté auxquelles il s'applique, dans l'ensemble des sociétés étudiées. Les relations sexuelles, et les mariages entre cousins en particulier, sont réglementés de manière très différente d'une société à l'autre. Ainsi, le mariage d'un homme avec la fille du frère de sa mère peut être prohibé dans une certaine société, sous prétexte d'inceste; a contrario, il sera prescrit dans la société voisine, où là, c'est le mariage avec la fille du frère du père qui sera interdit.
Cette grande habilité dans la désignation de l'inceste reflète la variabilité des systèmes de parenté et de leur terminologie, qui sont, bien sûr, des produits de la culture. Ainsi, chez les Sherenté du Brésil (étudiés par Claude Lévi-Strauss) vivant en sociétés patrilinéaires au sein de clans exogames, le fils de la sœur du père pour nous, cousin germain porte le même nom que le fils de la soeur (neveu); en revanche, le mari de la sœur du père (oncle par alliance) le mari de la sœur (beau-frère) et le mari de la fille (gendre) portent un autre même nom. La désignation de l'inceste varie donc amplement d'une société à l'autre. Elle dépend du système de parenté en usage dans chacune d'elles et recouvre un phénomène purement culturel.
Reste que les relations sexuelles entre très proches parents un individu et son enfant de sexe opposé, un frère et sa sœur ne sont autorisées dans aucune société connue. Règle universelle chez l'Homme, le tabou de l'inceste entre très proches parents constitue le noyau dur des interdits sexuels. D'ailleurs, dans de nombreuses sociétés, les cousins sexuellement « tabous » portent les noms de frère et soeur. La relation frère sœur, universellement interdite de sexe, sert donc de référence aux autres interdits sexuels. Enfin, dans toutes les sociétés étudiées, hommes et femmes sont profondément choqués à la simple évocation de relations sexuelles entre mère et fils, père et fille, ou frère et soeur. Comment un interdit purement culturel pourrait-il causer une réaction de rejet aussi violente et générale chez l'Homme ?
Dès 1922, E. Westermarck propose d'interpréter la prohibition de l'inceste par la traduction en règle sociale d'une aversion sexuelle naturelle pour les individus familiers et côtoyés quotidiennement depuis l'enfance. Cinquante ans plus tard, Joseph Shepher vérifie cette hypothèse: il montre en effet que les hommes et les femmes élevés en kibboutz dans un même petit groupe d'enfants ne se marient jamais entre eux, malgré leur liberté de le faire. Ainsi, la proximité physique pendant l'enfance induirait à l'âge adulte une inhibition sexuelle entre individus familiers, selon un processus d'« empreinte » bien connu des éthologues.
Autre confirmation de l'hypothèse: l'occurrence élevée des « incestes » entre proches parents qui se retrouvent après avoir été séparés pendant une longue période de l'enfance de l'un d'eux (fils ou fille) ou des deux (frère ou sœur). En l'absence de familiarité, ces personnes n'ont pas pu développer d'inhibition sexuelle réciproque. Sur le plan éthologique, le mythe de l'accouplement d'Oedipe et de sa mère est alors tout à fait plausible : il ne correspond pas à un véritable inceste! L'interdît de l'inceste chez l'Homme semble donc bien avoir des racines biologiques. Les animaux évitent-ils, eux aussi, de s'accoupler entre proches parents ?
La question peut être étudiée chez les espèces parentales et sociales qui s'occupent de leur progéniture jusqu'à un âge avancé et vivant comme l'homme dans des sociétés multimâles. Chez les autres espèces - en fait l'immense majorité des animaux - la plupart des rencontres entre adultes proches parents sont en effet trop rares pour être prises en compte par la sélection naturelle. C'est donc principalement chez les mammifères, les oiseaux sociaux et les insectes sociaux (termites et hyménoptères sociaux: fourmis, abeilles et guêpes) que l'on peut explorer la biologie de « l'inceste ». Depuis les découvertes de John Hoogland sur les chiens de prairies, on connaît les réactions des femelles de nombreuse espèces de mammifères au maintien de leur père comme mâle dominant et copulateur c'est-à-dire au sein du groupe : d'abord un retard de la date de leur premier oestrus, puis, la recherche d'un partenaire sexuel à l'extérieur du groupe. Du point de vue évolutionniste ces deux réactions, physiologique et comportementale, sont très vraisemblablement des mécanismes d'évitement de l'inceste: on voit mal en effet quelle autre pression de sélection aurait pu les faire évoluer.
Les inhibitions et préférences sexuelles semblent constituer, chez les espèces « à risque », des mécanismes tout à fait usuels d'évitement de l'inceste. Ainsi en est-il de la relation frère sœur dans les sociétés multimâles. Chez les macaques, les babouins et les vervets pour ne citer qu'eux, les jeunes frères et sœurs ont de fréquents jeux et attouchements sexuels pendant leur enfance. Mais à la puberté, ils se tournent vers des partenaires exogames. Cette inhibition sexuelle entre frère et sœur, due à la familiarité, est tout à fait semblable à celle qui existe chez les hommes.
Enfin, les mêmes inhibitions existent entre mère et fils, chez les rares espèces de mammifères où les mâles demeurent dans le groupe natal, alors que les femelles émigrent. Chez les chimpanzés, comme chez les autres singes, les jeux sexuels sont fréquents entre mère et fils non pubère. Mais après la puberté, bien que le jeune chimpanzé mâle reste dans son groupe, les accouplements entre mère et fils sont très rares. Selon Jane Goodall, ils ne surviennent jamais lorsque la femelle est en oestrus.
Tout comme l'Homme, les mammifères « à risque d'inceste » ont donc, au cours de leur évolution, mis au point des mécanismes physiologiques et comportementaux leur permettant d'éviter les accouplements entre proches parents. Cela signifie qu'aux yeux de la sélection naturelle, ces accouplements sont désavantageux pour les individus. Pourquoi? Comparés aux petits issus de croisements exogames, les « rejetons de l'inceste » souffrent d'une plus grande mortalité et d'une moindre fertilité (voir l'inceste chez les animaux ). Ces dernières sont dues principalement à leur taux élevé d'homozygotie : la moitié de leurs allèles délétères sont à l'état homozygote. Les études génétiques menées tant sur l'Homme que sur les mammifères, depuis une trentaine d'années, montrent que la dépression de consanguinité liée à l'inceste entre proches parents, c'est-à-dire la réduction du succès de reproduction des individus « incestueux », suffit généralement à favoriser l'évolution de préférences sexuelles exogames. Les racines du tabou de l'inceste entre proches parents seraient donc profondément ancrées dans nos chromosomes.
Le
cocufiage
Dans une espèce à IPM élevé, la femelle recherche deux choses: de bons gènes et un solide engagement à long terme. Elle peut ne pas les trouver réunis chez le même homme. Une solution consisterait à faire croire à un partenaire dévoué, mais pas spécialement musclé ni surdoué, que la progéniture qu'il élève est bien la sienne. Là encore, l'ovulation secrète facilitera opportunément l'affaire... Il est très facile pour un mâle d'empêcher que ses rivaux ne fécondent sa compagne lorsqu'il connaît la période de fertilité de celle-ci; mais si elle a l'air également fertile pendant tout le mois, la surveillance devient problématique.